Cette sculpture s’inspire d’une nouvelle de Pierre 
                Chatillon intitulée Le goéland blessé, 
                dans L’enfance est une île, Éditions 
                Triptyque, Montréal, 1997. Voici le passage qu’elle 
                illustre :
               «Un jour de juillet, Guy Beauchemin 
                se fit conduire par un ami à quelques kilomètres 
                en haut de Sainte-Monique. Il mit à l’eau son canot 
                et entreprit de suivre le cours de la rivière Nicolet jusqu’au 
                fleuve.
               Sainte-Monique est un hameau particulièrement 
                bucolique. On y parvient par une route de plaine sans se douter 
                qu’au sortir du village, le paysage se transforme totalement. 
                La plaine s’affaisse et plonge dans la rivière sinueuse. 
                La route descend en pente raide jusqu’à un pont, 
                très haut sur pilotis, qui semble franchir le cours d’eau 
                sur des pattes de héron. Du village, perché sur 
                ce promontoire, la vue embrasse un panorama tout mamelonné 
                de collines, absolument enchanteur lorsque le soleil fait étinceler 
                l’eau qui y serpente.
               Une jeune femme aux longs cheveux 
                noirs et aux yeux verts enseignait alors à Sainte-Monique, 
                à l’école Arc-en-ciel. Née sur une 
                ferme des environs, elle logeait, pour être plus près 
                de son travail, dans la maison peinte en bleu d’une dame 
                prénommée Étoilda. (...)
               En ce jour de juillet où 
                Guy Beauchemin venait de monter à bord de son canot, la 
                jeune femme, elle, descendant la route jusqu’au pont, s’était 
                rendue tout au bord de la rivière et s’y était 
                assise sur l’herbe. Elle portait une robe verte ornée 
                d’oiseaux jaunes, et deux anneaux brillaient à ses 
                oreilles, lui donnant l’allure d’une bohémienne. 
                Elle avait toujours été fière de sa ligne 
                de cœur, pas très profonde, parcourant sa paume d’un 
                bord à l’autre mais fermée aux deux extrémités. 
                (...)
               Elle trempait sa main dans l’eau. 
                Elle était si heureuse, si en accord avec la nature environnante 
                que sa robe, fil à fil, se perdit parmi l’herbe du 
                pré, que les oiseaux jaunes imprimés sur le tissu 
                se mirent à gazouiller et se mêlèrent aux 
                bandes pépiantes de chardonnerets voletant dans les buissons. 
                Si bien qu’à la fin, sans s’en rendre compte, 
                elle se confondit totalement avec le paysage.
               Le jeune homme, lui, pendant ce 
                temps, avironnait. Son canot glissait au pied de hautes falaises 
                de terre rousse couronnées d’une frise d’arbres 
                dont certains, comme libérés des lois de la pesanteur, 
                poussaient à flanc de précipices. Des goélands 
                planaient dans le ciel. Il voyait devant lui, outre le clocher 
                pointu de la vieille église en pierre, la guirlande de 
                maisons de Sainte-Monique festonnant le promontoire. Sur la gauche, 
                au loin, un champ de trèfles rosissait un grand carré 
                de terre.
               Guy Beauchemin avait lié 
                dès l’enfance un pacte de confiance avec l’eau 
                et il possédait la certitude que le bonheur lui viendrait 
                de l’eau. Il chantait :
              À la claire fontaine, m’en 
                allant promener.
              
              Les collines bougèrent avec 
                douceur, évoquant des rondeurs d’épaules, 
                de seins, de genoux. Une présence féminine partout 
                émanait de la nature. Guy, touchant l’eau du bout 
                des doigts, s’étonna de lui trouver la chaleur et 
                le velouté de la chair. Et soudain il se retrouva en train 
                de canoter dans le creux de la main de la jeune femme. La main 
                qu’elle avait laissée tremper dans l’onde avait 
                pris les dimensions de ce coin de campagne, la rivière 
                était devenue la ligne de cœur de cette main, et le 
                jeune homme glissait en canot sur cette ligne. Dès qu’elle 
                le vit ainsi dans sa paume, elle sut qu’il n’en sortirait 
                plus et elle en tomba amoureuse. Guy Beauchemin, lui, prenant 
                conscience de cette situation, s’éprit de cette femme 
                qui lui permettait de voguer sur sa ligne de cœur et il la 
                baptisa : Claire Fontaine. Mais la paume de Claire Fontaine était 
                si vaste ! Aimait-il donc une géante ? Non, la jeune femme 
                était toute délicate dans sa robe verte, mais comme 
                désormais il ne voyait plus qu’elle, comme il ne 
                pouvait plus concevoir le ciel et la terre qu’à travers 
                elle, elle devenait à ses yeux immense comme un univers. 
                Guy Beauchemin ne se sentait pas captif dans cette main, bien 
                au contraire, car il avait toujours rêvé de vivre 
                en un paysage ensoleillé, dans la paume d’une femme 
                aimée.»
              Cette sculpture en acier a été 
                exécutée par l’artiste nicolétain Sébastien 
                Brassard, d’après une idée de Pierre Chatillon 
                ; le concepteur a voulu qu’on retrouve dans cette main des 
                formes évoquant le paysage vallonné de Sainte-Monique. 
                Le revêtement de finition a été appliqué 
                par l’artiste trifluvien Pierre Landry. Cette sculpture 
                a été offerte au parc littéraire, en 2004, 
                par Évelyne et Robert Chatillon et par les Soeurs de l’Assomption 
                de Nicolet.
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